Le Titien exposé à Rome, entre recherche de la perfection et innovation

Titien exposé à Rome,
Des visiteurs devant un tableau du Titien, exposé aux Ecuries du Quirinal, à Rome, le 4 mars 2013 (©AFP)

Entre aspiration à la perfection et volonté d’innover, le Titien est jusqu’au 16 juin, la vedette de la grande exposition semestrielle des Ecuries du Quirinal.

L’exposition a été bâtie comme une promenade presque chronologique à travers le parcours du peintre emblématique de Venise, de son vrai nom Tiziano Vecellio (né vers 1490, mort en 1576), qui fut l’un des génies de la Renaissance.

Les 40 tableaux exposés ont été sélectionnés pour « faire comprendre au grand public le caractère exceptionnel du Titien », un artiste dont son contemporain Ludovico Dolce disait qu’il alliait « la grandeur et le côté terrible de Michel-Ange à la grâce et élégance de Raphaël et aux couleurs propres à la nature », rappelle dans sa présentation le curateur Giovanni Villa.

L’exposition réalisée grâce à des prêts de divers musées dont le Palais Pitti de Florence, le Prado de Madrid et le Louvre à Paris, s’ouvre sur deux toiles de la maturité, considérées comme représentatives de l’art du Titien: l’Autoportrait venu du Prado montrant l’artiste vieillissant sobrement vêtu de noir. La technique est réduite à l’essentiel avec juste un peu de rouge sur le visage.

L’autre oeuvre est « Le Martyre de Saint Laurent » réalisé pour l’Eglise des Jésuites de Venise, un tableau très expressif qui est aussi une étude de la lumière nocturne avec une touche du fameux rouge du Titien, la cape d’un esclave. Les tons ocres et bruns scandent une oeuvre rendue dramatique par une torche et le ciel qui s’ouvre sur fond d’architecture palladienne.

L’exposition se partage entre les jeunes années consacrées à la peinture religieuse, où le Titien atteint peu à peu la perfection, et les magnifiques portraits de cour réalisés quand l’artiste devient le peintre favori de Charles Quint dans lesquels il multiplie les innovations.

Le Concert interrompu et la Bella, tableaux prêtés par le Palais Pitti, la Flora des Offices, le portrait de Paul III sans bonnet papal, la Danae de Capodimonte ou l’Homme au gant du Louvre figurent parmi les oeuvres les plus connues exposées à Rome.

Pour les paysages, le Titien s’inspire de son maître Giorgione mais aussi souvent du Flamand Hiéronymus Bosch. La couleur modulée par la lumière structure les formes et volumes, les figures se détachent grâce à un contour noir. Dans la Madonne à l’enfant (1507) au visage estompé et doux un peu à la Léonard de Vinci, les corps se fondent dans la langueur du paysage.

La magnifique Crucifixion de l’Eglise des dominicains à Ancône est particulièrement frappante avec la touche bleue du manteau de la Vierge le dos courbé de douleur devant le corps crucifié de son fils illuminé par des éclairs. Le bleu presque phosphorescent du manteau est du même ton que le ciel derrière la croix où se découpent des nuages marrons.

A comparer à la Crucifixion amenée du musée de l’Escorial, tout aussi saisissante de réalisme, une vraie nouveauté pour l’époque: on y voit les veines du Christ. Certains tableaux comme L’Annonciation de 1563/1567 (Eglise de San Salvador à Venise) seront à l’époque considérés comme trop novateurs par ses contemporains et redécouverts bien plus tard.

Même réalisme dans les portraits « psychologiques » du pape Paul III dont le regard semble transpercer le visiteur ou de l’Homme au gant, qui émane inquiétude et mélancolie malgré l’aisance de la mise. Titien, pourtant artiste de cour, parvient à se démarquer fortement de ses modèles, peignant par exemple le doge Francesco Venier comme un homme vieux et fatigué.

Les Judith, Flora et Danae ont les yeux langoureux de femmes plus vraies que nature, des cheveux soyeux blond vénitien, une peau de porcelaine et portent des linges délicats qu’on a presqu’envie de toucher tellement ils ont l’air réels.

Le dernier tableau est la Punition de Marsia où l’image se dissout en de multiples points de lumière: on croirait presque un tableau impressionniste, évidemment avec plusieurs siècles d’avance.

Le site de l’exposition sur Titien (en italien)